A
l'heure où gronde la polémique autour des contraceptifs de troisième et
quatrième génération, les laboratoires avancent leur dernière trouvaille, la
pilule à œstrogène naturel. Progrès médical ou coup marketing ?
Quand
elles ont fait leur apparition dans les années 1990 et 2000, les pilules de
troisième et quatrième génération étaient à la pointe du contraceptif. Fini
l’acné, adieu la prise de poids, bye bye les nausées. Les comprimés prenaient
des noms séduisants. La pilule s’appelait alors Jasmine, Diane ou Melodia.
Puis
patatras. La douce musique s’arrête à la fin de l’année 2012. On accuse les
petites dernières de risque thromboembolique. Un caillot qui obstrue une veine,
une artère et l’accident vasculaire cérébral ou l’embolie pulmonaire ne sont
pas loin. Un événement rarissime, mais pas impossible.
C’est
la panique à bord. Surtout qu’en France, la pilule est le premier moyen de
contraception utilisé. On s’y perd. SOS gynéco, je change de pilule ? Je
m’arrache les cheveux ? Je deviens nonne ?
Zen...
La petite dame a l’air perdu. Rassurons-la. Voilà que déboule une énième
pilule. Mais « naturelle » celle-là. Ah bah si c’est naturel... Il n’en existe
que deux à l’heure actuelle. La pionnière, Qlaira, mise sur le marché en 2009
par le groupe Bayer Santé. Puis sa petite sœur, Zoely, créée en 2012 par Teva.
Pas la chaîne télé, la Teva pharmaceutical industries LTD.
«
La pilule écolo, de quoi s’étrangler »
Ce
sont les pilules à œstrogène naturel. Le professeur Patrice Lopes, gynécologue
au CHU de Nantes, a présenté Qlaira lors de sa sortie en 2009. Il explique : «
Qlaira a deux composants, un œstrogène et un progestatif. L’œstrogène classique
utilisé est l’éthinylestradiol. Dans le cas de Qlaira, c’est l’estradiol. On
parle d’un œstrogène naturel, car c’est le même que celui sécrété par l’ovaire.
»
Du
côté de Formindep, l’association de médecins militant pour une formation et une
information médicales indépendantes, c’est un autre son de cloche. « Ça
ressemble pas mal à du greenwashing. Le risque, c’est que dans cette polémique
sur la troisième et quatrième génération, ces pilules à l’œstrogène naturel
soient présentées comme une alternative. Qu’elles deviennent un argument
marketing. » Il faut dire que lorsqu’on se balade sur les forums santé, Zoely
et Qlaira sont souvent surnommées les « pilules écolos »... « C’est à
s’étrangler quand on lit cela ! », confie Anne Chailleu, membre de Formindep.
Michel
Coletti, médecin généraliste, enfonce le clou. « Pour la plupart des gens, un
produit naturel est une substance produite par la nature. Ce n’est pas le cas
de l’estradiol qui est chimiquement proche de l’hormone produite par
l’organisme humain. Mais il n’est pas naturel. »
Un
progrès... en théorie
Et ça
donne quoi tout cela ? Pour le gynécologue nantais, « la pilule Qlaira entraîne
moins de troubles du métabolisme hépatique. Elle est mieux tolérée. » Le
médecin regrette que ces pilules soient « encore trop peu prescrites », car non
remboursées. Il en est persuadé : « C’est un progrès, mais encore très
théorique. » Théorique ? Oui, car les pilules à œstrogène naturel ont été
examinées lors d’études comparatives. En clair, elles ont donc été comparées à
des pilules de deuxième génération, et cela sur un échantillon de 3 000 femmes.
« Mais il faudrait attendre d’avoir étudié 10 à 100 000 personnes pour
connaître la supériorité de cette pilule par rapport aux autres, avoue Patrice
Lopes, avant de trancher : On utilise le progrès, ou on attend la certitude des
choses et on revient à la préhistoire ! »
On ne
sait en fait que peu de choses de ces nouveaux contraceptifs. L’Agence
nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Anses) explique
d’ailleurs qu’« aucune étude épidémiologique n’est disponible concernant les
effets des pilules estroprogestatives à base d’estradiol ».
«
On ne sait pratiquement rien des risques cardiovasculaires »
La
revue scientifique Prescrire conclut que « l’estradiol n’est pas un progrès ».
« Les effets indésirables de l’association estradiol + diénogest (soit la
pilule Qlaira, ndlr), tels que les nausées, les tensions mammaires, les
céphalées sont globalement les mêmes qu’avec les autres estroprogestatifs. Tout
en insistant sur le fait qu’on ne sait pratiquement rien sur les risques
d’accidents cardiovasculaires, notamment thromboemboliques ».
La
pilule divise la profession. « La référence internationalement admise depuis
quarante ans, c’est l’éthinylestradiol, rappelle le médecin Michel Coletti, qui
préfère jouer la prudence. Dans l’état actuel des connaissances, il n’y a rien
de mieux. »
Source :
2012un-nouveau-paradigme.com
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