Pour la première fois, une étude estime les dangers du contraceptif oral : 20 morts par an lui seraient imputables

Sur les 19 décès liés à la pilule en 2011, 14 sont «attribuables» aux contraceptifs de troisième et quatrième générations.


Sur les 19 décès liés à la pilule en 2011, 14 sont «attribuables» aux contraceptifs de troisième et quatrième générations. Photo Mychèle Daniau. AFP 
Pour la première fois, une étude estime les dangers du contraceptif oral. Selon elle, 20 morts par an lui seraient imputables.

Il marche sur des œufs, pèse chacun de ses mots. Dominique Maraninchi, directeur de l’Agence de sécurité du médicament (ANSM), présentait hier matin les résultats de son étude sur l’estimation du nombre de victimes liées à la prise de pilules contraceptives. «Le nombre de morts est très interpellant, reconnaît-il. Sur 4,5 millions de femmes prenant la pilule en France, on relie [à cet usage] en moyenne 20 morts par embolie pulmonaire chaque année.»

C’est la première fois que sont publiées en France des données précises sur les risques de la contraception orale depuis le dépôt de la plainte, en décembre, par une jeune femme handicapée à cause d’un accident vasculaire cérébral qu’elle impute à la pilule. S’en est suivi un vent de panique et de suspicion sur ce petit comprimé qu’avalent chaque jour la moitié des Françaises âgées de 15 à 49 ans. Jusqu’ici, les seules données épidémiologiques fiables reposaient sur des projections menées à l’échelle européenne. Cette étude apporte un nouvel éclairage, pas des plus rassurants, et déjà critiqué.


Combien de victimes par an ?

Sur les 4,5 millions d’utilisatrices, 20 femmes âgées de 15 à 49 ans meurent en moyenne chaque année d’un accident thromboembolique veineux lié à la pilule, selon cette étude. Sur les 19 décès enregistrés en 2011, 14 sont «attribuables» aux contraceptifs de 3e et 4e générations et 5 aux pilules de 1re et 2e générations. Rappelons que la différence essentielle entre ces types de pilules tient à la nature du progestatif utilisé. En modifiant la molécule, les laboratoires espéraient une diminution des effets secondaires, comme la prise de poids. Sauf que rien n’a été prouvé scientifiquement à ce jour…

L’ANSM parle par ailleurs de 2 529 «accidents», comme des phlébites, dont 1 751 attribuables aux pilules de 3e et 4e générations. «Ces chiffres sont fondés sur les déclarations volontaires des médecins et centres hospitaliers, qui sont en dessous de la réalité», critique Philippe Courtois, avocat de victimes de la pilule. Autre bémol, cette étude mesure seulement le risque veineux. Or, la pilule présente un autre danger, d’ordre artériel, qui se révèle sensiblement identique, quel que soit le type de pilule. Ce risque n’a, lui, pas encore été évalué. «Sur ce point, nous attendons beaucoup de l’enquête menée en ce moment avec la Caisse nationale d’assurance maladie», précise l’ANSM. Les résultats devraient être connus dans deux mois.


Les usages ont-ils évolué ?

En février, les ventes de pilules de 3e et 4e générations ont chuté de 34% par rapport à février 2012. Dans le même temps, les pilules de deuxième génération ont fait un bond de 27%. «On constate un report massif, mais qui n’est pas complet. Si on prend l’ensemble des pilules, on enregistre une baisse globale de 2% en février par rapport à l’année dernière», indique Mahmoud Zureik, auteur de l’étude et ancien chercheur à l’Inserm.

Quant aux autres moyens de contraception, les ventes de patchs et anneaux (qui contiennent le même progestatif que les pilules de 3e génération) ont reculé de 13% en février. Le stérilet et l’implant ont progressé, eux, de 44%. Cette dernière donnée est toutefois à relativiser : le nombre de stérilets posés étant relativement faible, cette augmentation ne concerne que quelques milliers de femmes…

Autre information marquante : tout mode de contraception confondu (hors préservatif), on enregistre une baisse des ventes de 1,4% en février. Les Françaises se protègent donc moins. Leurs partenaires ont du coup plus recours à la capote ? Impossible à dire, répond l’ANSM, qui s’est appuyée sur un échantillon de 3 000 pharmacies. Or, les préservatifs sont aussi en vente libre dans les supermarchés. La pilule du lendemain, en revanche, est en légère augmentation (+ 1%).

Et maintenant ?

Sur la défensive, désireux d’éviter tout parallèle avec le scandale du Mediator, Dominique Maraninchi a martelé que «toute mort évitable doit être évitée», notant qu’en limitant le recours aux pilules de3e et 4e générations, on pourrait sauver «neuf vies» par an. Puis, assurant agir «en toute transparence» : «On va refaire le film à l’envers. On a recommandé aux médecins de prescrire plutôt une pilule de deuxième génération. On a aussi demandé une modification de l’autorisation de mise sur le marché : le processus est engagé au niveau européen, cela prend un peu de temps. On va lancer aussi un grand plan d’information.» Avant l’été, promis, les femmes se verront distribuer avec leur plaquette un petit récapitulatif des risques et contre-indications, comme fumer.


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